Esclavage, traite, commerce triangulaire… Que signifient ces termes? (Partie 1)

En premier lieu, un éclairage des notions et concepts abordés ici est nécessaire pour mieux comprendre les mécanismes de l’esclavage.

Au niveau de la vente d’esclaves :

– Traite négrière : activité élaborée et mise en pratique par l’Europe négrière dans le but de déporter des Africains vers ses colonies, dans les plantations d’Amériques.
– Esclavage : Fait, pour un groupe social d’être soumis à un régime économique et politique qui le prive de toute liberté, les contraints à exercer les fonctions économiques les plus pénibles sans autre contrepartie que le logement et la nourriture.
– Résistance : du latin resistentia, résistance, dérivé du verbe resistere, se tenir en faisant face, faire volte-face, résister à, tenir bon contre, tenir tête à, s’opposer à.
– Commerce triangulaire : Le commerce triangulaire, aussi appelé traite atlantique ou traite occidentale, est une traite menée au moyen d’échanges entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique, pour assurer la distribution d’esclaves noirs aux colonies du Nouveau Monde (continent américain), pour approvisionner l’Europe en produits de ces colonies et pour fournir à l’Afrique des produits européens et américains.

Remarque : la définition des acceptions de traite et de commerce, laisse entendre que les Africains ont engagés des traités avec les Occidentaux pour leur fournir des esclaves comme marchandises. Les historiens africains et afro descendants ont développé la notion de razzia négrière pour mieux rendre compte des moyens mis en œuvre par les négriers pour se procurer d’hommes, de femmes et d’enfants comme main d’œuvre servile à destination des plantations des colonies d’Amérique. Beaucoup réfutent l’idée d’une quelconque existence de relations commerciales entre les rois africains et les Occidentaux sur la base de traités signés par les deux parties ; pour la simple raison qu’aucune source ne le relate.

Au niveau du statut juridique de l’esclave

L’esclave est celui qui se trouve sous le pouvoir et la dépendance absolus d’un maître, celui qui n’est pas libre et qui vit dans un état de servitude totale. Il diffère du serf ou du serviteur, car il n’est pas considéré comme une personne, mais comme une chose, sa vie est à la merci de la volonté de son maître, qui a le droit de vie et de mort sur sa personne, le cas échéant de le vendre.

Un esclave n’a aucun droit face aux personnes et aux choses.  » Etre une propriété « , est le statut premier d’un esclave. Un esclave est esclave à vie, et transmet sa condition sociale à ses enfants. Il n’a pas non plus de statut  » moral », ce qui veut dire que la société ne lui reconnaît pas de dignité, de valeurs, de principes, ni même de sentiments.

Concernant le statut social de l’esclave
Dans la plupart des sociétés coloniales, il lui est interdit :
– d’apprendre à lire et à écrire, de posséder des biens ou un pécule, de s’attrouper,
– de tirer bénéfice et profit de son travail,
– de se déplacer sans l’autorisation écrite de son maître, de porter des chaussures, de parler une langue africaine ou le créole
– Le contrôle mental de l’esclave passe par des mécanismes de  » déshumanisation » ; il n’est pas un « objet » uniquement sur le papier, il l’est dans la vie courante.

Un silence délibéré sur l’Histoire des résistances
La vision européocentriste de l’histoire de l’Humanité, en ce qui concerne ici, la question de l’esclavage, pose comme postulat que l’abolition de l’esclavage des Noirs dans les colonies du Nouveau monde est une initiative occidentale. Cette idée continue à se diffuser à l’exemple de l’article paru dans la revue http://xn--hrodote-bya.net/ Le Média de l’Histoire, mise en ligne le 14 mai 2019 dont je cite un extrait : « L’esclavage, pudiquement qualifié d’« institution particulière » par les élites des Lumières, a été progressivement aboli à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle dans les États américains et les colonies européennes grâce à l’action des sociétés philanthropiques d’inspiration chrétienne ». Cette vision révèle évidemment une négation de toute forme de lutte menée par les Africains pour se libérer du joug de l’esclavage.

Contrairement à l’histoire de l’esclavage dont de nombreux travaux et ouvrages ont documenté l’esclavage des Africains, celle de son institution, de son fonctionnement et de son abolition, l’historiographie européenne ne relate pas celle des résistances, des insoumissions et des révoltes que les victimes de l’esclavage opposèrent aux esclavagistes. Peu enseignées, peu documentées, ces contestations restent dans l’ombre de l’histoire traditionnelle de l’esclavage alors même qu’elles furent une cause importante de l’abolition de ce système d’exploitation. Plus encore, un silence s’est institué sur les résistances africaines alors que la majorité des rois africains s’étaient opposés à la traite.

De plus en plus, de nombreux historiens africains dans leurs publications nous renseignent abondamment sur ces résistances méconnues voire minorées, montrant, que les victimes de ce crime contre l’humanité ne sont pas restées passives ; et qu’elles ont largement contribué à leur libération en multipliant et diversifiant les actes de résistance. Ainsi, leurs travaux sont d’une importance capitale car ils imposent un point de vue africain d’une histoire de l’esclavage, plus objective qu’elle ne l’a été jusqu’à présent.

Pour nous, diffuser ces informations sur les résistances des Africains, permet de faire comprendre l’importance des modalités et des moyens de lutte employés par nos ancêtres, pour briser les chaines de l’esclavage ; et de tirer des enseignements sur le combat pour la liberté, combat qui est toujours d’actualité pour les peuples africains à travers le monde.

Un point sur les débuts de la mise en esclavage des Africains par les Européens
La controverse de Valladolid : le début de l’enfer pour les Africains. La controverse de Valladolid est un débat qui opposa essentiellement le dominicain Bartolomé de Las Casas et le théologien Juan Ginés de Sepùlveda.

La question était de savoir si les Espagnols pouvaient coloniser le Nouveau Monde et dominer les indigènes, les Amérindiens, par droit de conquête, avec la justification morale pouvant permettre de mettre fin à des modes de vie observés dans les civilisations amérindiennes.

Lors de ce procès, on officialise que les Amérindiens ont un statut égal à celui des Blancs. Cette décision ne s’appliquait pas aux Noirs d’Afrique dont l’esclavage n’était pas contesté : c’est d’ailleurs en raison de la controverse de Valladolid que les Européens vont généraliser la pratique des razzias négrières pour alimenter le Nouveau-Monde en esclaves.

La traite négrière atlantique débute au 15e siècle lorsque les Portugais commencent à acheter des hommes sur les côtes d’Afrique qu’ils explorent alors. La découverte du Nouveau Monde et sa colonisation par les grandes puissances maritimes européennes accélèrent le processus de façon exponentielle. Se met alors en place, dès le 16e siècle, un commerce transatlantique (« commerce triangulaire ») : des négriers européens partent d’Europe avec des marchandises manufacturées qu’ils échangent sur les côtes d’Afrique contre des captifs fournis grâce aux razzias qui ont débuté au XVème siècle, en 1441.

Les navires européens transportent ensuite leur marchandise humaine à travers l’Atlantique, dans un terrible voyage que certains historiens ont nommé la Grande Déportation. Les captifs sont ensuite vendus à des colons aux Antilles, au Brésil, en Amérique du Nord, mais aussi à la Réunion ou à l’Ile Maurice dans l’Océan Indien.

Le système atteint son apogée aux 18e et 19e siècles. Réduits en esclavage, ils travaillent sous la contrainte, dans des conditions inhumaines : en moyenne, l’espérance de vie d’un esclave de plantation ne dépasse pas dix ans.

Les marchandises produites par les déportés (sucre, café, cacao, coton, tabac…) sont exportées vers l’Europe pour y être vendues. La traite contribue à l’essor économique des ports, et plus largement des pays qui pratiquent le commerce d’êtres humains (pays européens essentiellement).

Entre le milieu du 15e siècle et la fin du 19e siècle, on estime que plus de 17 millions de captifs furent déportés d’Afrique vers les Amériques et les îles de l’Atlantique et de l’océan indien. Plus d’un million et demi de personnes périrent pendant la traversée.

ANNEXES

-Panorama de la traite négrière : ces cartes montrent à quel point le continent africain a été vidé, de ses habitants. Ces négriers guidés par la cupidité ont fait de l’africain, l’or noir de l’Europe selon l’historien Rigobert Bwenba-Song.

-La vente d’un esclave à Wall-Street au XVIIIè siècle.

KA UBUNTU

mouvement politique indépendantiste et panafricaniste fondé par des réunionnais.

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