Le samedi 16 septembre 2023, Ka-Ubuntu a organisé une conférence autour du film de Michael Gence « Rassine Monmon, Papa. Tome 1 : ce passé qui ne passe pas ». Nous avons échangé autour de l’immigration réunionnaise en France. Avec le racisme qu’il subit ici, son déracinement, les difficultés qu’il connaît pour retourner à La Réunion. Les crimes contre l’humanité de la France à l’encontre des Réunionnais : les enfants de la Creuse, la stérilisation des femmes réunionnaises. Nous avons évoqué l’importance d’avoir notre indépendance politique, pour stopper le génocide par substitution en cours à La Réunion.
Le but de pousser à l’immigration les Réunionnais, c’était, pour la France, un moyen, de garder un contrôle sur la Réunion. Car elle craignait qu’un mouvement autonomiste ou indépendantiste fort, puisse naître dans les années 60 et 70, en raison de la situation économique et sociale compliquée à La Réunion et de la croissance démographique importante du peuple réunionnais. Qu’il s’agisse du BUMIDOM, ou encore des enfants de la Creuse, cela rentre dans la politique coloniale de l’État français qui est d’acculturer le peuple colonisé pour le maintenir sous sa domination. Faire en sorte qu’il ne connaisse pas son histoire ni sa culture. Faire en sorte qu’il s’assimile à l’histoire du colonisateur, ici la France, en lui disant que ses ancêtres étaient des Gaulois. Il est dit, au début du film, que ceux qui partaient en France et quittaient leur pays étaient bien vus, c’était une réussite. Mais ceux qui voulaient revenir étaient mal vus, c’était une forme d’échec. On présentait la France comme l’eldorado.
Dans cette politique de contrôle de la démographie du peuple réunionnais, l’État français a commis des crimes contre l’humanité, avec la stérilisation et l’avortement forcés des femmes réunionnaises dans les années 60 et 70. Alors que dans le même temps en France, l’avortement et les moyens de contraception étaient interdits. L’autre crime contre l’humanité de l’État français à notre encontre, est la déportation des enfants réunionnais dans la Creuse, où entre 1962 et 1984, au moins 2000 enfants ont été déportés. Il faut savoir qu’il s’agit de deux critères du génocide (entrave des naissances d’un peuple et la déportation d’enfants d’un peuple). Mais l’État français ne veut pas le reconnaître.
L’autre point important, c’est qu’on voit que le problème vient avant tout des politiciens réunionnais qui vont laisser faire cette politique d’immigration menée par l’État français. Car au lieu de chercher à résoudre les problèmes relatifs au chômage, au logement, ils vont préférer, au contraire, laisser les forces vives de notre pays partir. Mais le problème ici n’est pas de partir dans un autre pays, mais c’est qu’il n’y a pas de politiques en place pour permettre, faciliter un retour des Réunionnais dans leur pays. Ceux qui partent ont souvent du mal à revenir. Il y a ceux qui veulent revenir, mais qui ne peuvent pas, car ils vont demander à être mutés à La Réunion, et leur demande de mutation sera rejetée. Ou parce qu’ils ont peur d’y retourner, vu la situation de notre pays, avec un taux de chômage exorbitant, la vie chère, le problème pour avoir un logement…
Raison pour laquelle, à Ka-Ubuntu, nous sommes pour l’indépendance de notre pays, car avec le système colonial français, qui est là pour nous maintenir dans la pauvreté. Et les dirigeants politiques réunionnais qui ne font rien pour changer les choses. Parce qu’ils veulent rester rattacher politiquement à la France, économiquement à la France et culturellement à la France. Nous disons que nous, indépendantistes réunionnais, nous devons avoir le pouvoir politique, afin d’être en rupture avec le système colonial français, et mettre en place un système qui irait dans le sens et la défense des intérêts des Réunionnais. Où le problème du chômage, de la vie chère, du logement, et d’autres encore seront résolus. Construire une Réunion où le peuple réunionnais pourra travailler et vivre dignement dans son pays, sans attendre la retraite pour y retourner définitivement. Pour atteindre cet objectif, il faut que le peuple réunionnais soit souverain, c’est-à-dire, que son destin ne se joue plus à Paris, mais dans son pays. Nous subissons comme les Frères et Sœurs des Antilles un génocide par substitution selon l’expression de Césaire, à nous de ne pas accepter cette situation, de ne plus être fatalistes et de nous dire que nous pouvons changer les choses, en décidant de nous engager politiquement pour l’indépendance de notre pays.
Ce film montre l’importance pour un peuple de connaître son histoire, d’être ancré dans sa culture et de ne pas avoir honte de son identité. C’est par la connaissance de soi et de son ennemi, qu’un peuple aura la volonté de se libérer, d’être souverain. Nous, Réunionnais de la diaspora, nous avons des compétences, des talents, l’envie de résoudre les problèmes qui touchent notre peuple. Il est nécessaire, pour nous, de rentrer par la suite dans notre pays, même si la situation est compliquée sur place. Nous devons rentrer, car nous ne pourrons pas changer les choses en restant loin de notre pays. J’ai parlé de l’importance d’avoir le pouvoir politique, pour mettre fin au génocide par substitution que nous subissons à La Réunion. Mais cela est possible que si on est sur place, au pays. Pour finir, Réunionnais, soyons fiers de notre culture, de notre histoire, de notre identité et prenons conscience que nous ne pouvons pas rester rattachés à un pays qui a commis des crimes à notre encontre. Que ce soit à travers l’esclavage, la stérilisation et l’avortement forcé des femmes réunionnaises dans les années 60-70, ou encore la déportation d’enfants réunionnais dans les campagnes françaises. On entend parler de réparations, la réparation doit venir de nous-mêmes (auto-réparation).Elle passe par l’indépendance de notre pays et la souveraineté de notre peuple. Arrêtons de regarder vers la France, tournons-nous vers la terre de nos ancêtres.
Élimu Katambara
(Membre actif de Ka-Ubuntu)
Photo : AIR FRANCE