La Lutte pour l’Émancipation : 6 figures indépendantistes de la Réunion.

Dans l’histoire de l’île, il a existé des figures indépendantistes qui ont lutté pour l’émancipation de la Réunion, depuis le début du peuplement jusque de nos jours. Si nous retraçons la généalogie des luttes KONTKOLONYAL (contre le colonialisme), nous voyons des hommes et des femmes qui ont marqué les 3 grandes périodes de l’histoire de la Réunion, allant de la période de l’esclavage, l’engagisme et la départementalisation grâce à leur héroïsme et leur soif de liberté pour obtenir la souveraineté de la réunion. Sachons-le, le courant indépendantiste a toujours existé et marginalisé par l’ordre établi, dont l’objectif a toujours été de faire taire les revendications indépendantistes.

Voici 6 figures réunionnaises qui ont lutté contre le colonialisme et l’impérialisme à la Réunion :

Le Roi Anchaing :

Anchaing est un symbole de résistance qui n’a jamais accepté le système esclavagiste et qui a organisé une résistance active en marronnage. Il faisait partie du groupe des dix Malgaches arrivés en 1663 avec Louis Payen et son compagnon sur l’île de Bourbon. En tant grand Maron, il semblerait que son existence à jouer un rôle important dans l’édification du royaume de l’intérieur. Héros légendaire, il s’est réfugié avec sa compagne Héva dans le Cirque de Salazie, au sommet d’une montagne réputée inaccessible. Ils ont eu 8 filles qu’ils ont élevées dans l’amour et dans la liberté dont l’une Marianne, fera parler d’elle, puisqu’elle épousera un autre Maron, Cimendef qui deviendra également célèbre. Pourchassés par des chasseurs Marons professionnels, il y a plusieurs versions qui existent sur sa légende. Selon une première version, Bronchard aurait capturé Anchaing, Héva et leurs enfants, et les aurait ramenées chez leur maître. Selon une seconde, la fille du maître, à la mort de son père, aurait affranchi les deux esclavagés et leurs enfants. Finalement, une version raconte que Bronchard avait tué Anchaing et ramené en esclavage Héva et ses enfants.

La Reine Héva :

Héva était une reine maronne de la Réunion qui symbolisait à la fois la femme originelle et la première héroïne de la Réunion. Elle a joué un rôle essentiel dans le marronnage comme d’autres femmes tel que Simangavole, Sarlave, Raharianne, Marianne et consorts en participant à la vie sur les camps, dans la transmission des traditions, des savoirs, des croyances, des rites et des pratiques culturelles et religieuses. Selon l’écrivaine Clélie Gamaleya, elle sert d’allégorie pour représenter la femme réunionnaise originelle en tant que symbole de liberté et de résistance avec son compagnon, le Roi Anchaing qui aurait été le premier Maron de l’île, ils auraient eu ensemble huit filles, n’ayant jamais connu les chaînes de l’esclavage. Ces huit filles se seraient ensuite mariées à de grands chefs Marons, étant ainsi à l’origine de la dynastie des grands rois Marons dans l’île. Elle apparaît dans plusieurs œuvres issues de la littérature réunionnaise, notamment chez l’écrivain Louis Héry, Auguste Vinson et consorts. Il faut dire que l’histoire du couple Héva et Anchaing ne présente pas de généalogie et de récits officiels, mais plutôt un recueil de versions d’une même légende. En 2000, une sculpture est érigée à son nom place d’Hell-bourg à Salazie par l’artiste Réunionnais Gilbert Clain pour perpétuer la mémoire de cette femme résistante, bien que d’autres lieux portent son nom à la Réunion.

Éli :

Né en 1785, il était un noir à talent qui exerçait le métier de forgeron sur la propriété de Célestin Hibon. Dans la mémoire collective Réunionnaise, il est considéré comme une figure révolutionnaire qui mena l’une des plus grandes révoltes contre le système esclavagiste à la Réunion. Cette insurrection se déroulera à Saint-Leu du 5 au 11 novembre en 1811 avec la participation de plus 200 insurgés d’origines et de fonctions diverses pour renverser l’oppression du système esclavagiste. Cependant, ce soulèvement n’aboutira point suite aux trahisons et à la répression des autorités. C’est pourquoi, malgré les efforts antérieurs des insurgés, malgré leur combat, leur lutte et leur détermination qui ont été réalisés auparavant. Éli, ses frères et ses camarades fut arrêtés et exécutés sur une place publique en 1812. Aujourd’hui, il existe un collectif nommé Komité Éli qui perpétue la mémoire de ses insurgés depuis 1999. Il existe des lieux qui portent son nom à la Réunion ainsi qu’un documentaire intitulé « Elie ou les forges de la liberté » réalisé par William Cally et coécrit par l’historien Sudel Fuma. Il existe aussi deux monuments historiques, l’une érigée dans la ville de Saint-Leu le 8 novembre 2011 et l’autre le 15 avril 2012 dans la ville de Saint-Paul dans le but de rendre hommage à ce héros Réunionnais et ses camarades qui se sont battus contre l’ordre établi afin d’arracher leur liberté.

Louis Timagène-Houat :

Écrivain et Médecin, il est l’auteur du premier roman de la littérature réunionnaise « les Marons » publiés en 1844, un ouvrage militant dans lequel il prend le parti des Marons luttant pour l’abolition de l’esclavage. Il a fait des études de médecine à Paris et s’est engagé dans la recherche grâce à laquelle il a fait des découvertes étonnantes sur sa spécialité : l’homéopathie. En 1835, il est accusé d’être le meneur d’un complot à Saint-André, car il a voulu agiter dans la colonie française le drapeau d’une république africaine. Il a ensuite été banni pendant sept ans, après avoir été condamné à l’exil en 1836. Il écrivit de nombreux ouvrages comme le pamphlet intitulé « le proscrit de l’île bourbon à Paris » en 1838 ainsi que dans le domaine de la médecine. En 1849, il se présente aux élections à la Réunion et fait face au procureur qui l’a condamné : c’était la première élection de la période post-abolitionniste et la première grande fraude menée par le commissaire Sarda Garriga. Houat a été battu. Il ne s’immiscera plus dans la vie politique et sociale de son île. Le 7 octobre 2021, une stèle est érigée en ce nom pour lui redonner sa place dans l’histoire, la culture et la littérature de la Réunion.

Serge Sinamalé :

Né en 1940 à Saint-André, Serge Sinamalé était un instituteur, un artiste engagé et un militant indépendantiste qui a marqué l’histoire politique de l’île à travers son engagement et son combat pour l’indépendance de la Réunion. Militant infatigable, au cours de son parcours politique, il a fait partie de plusieurs organisations en tant que membre au sein de la fédération réunionnaise du Parti communiste Français (1957). En tant que fondateur au sein du Front de la Jeunesse Autonomiste de la Réunion (août 1967), le premier Cercles d’Études Marxiste Léninistes, L’Organisation Communiste Marxiste Léniniste de la Réunion (1975), pour la Libération de la Réunion (1979), avec pour organe « Lindependans ek Liberte ». Et en tant que co-fondateur au sein du Mouvement pour l’Indépendance de la Réunion avec Jean-Baptiste Ponama et Tristan Souprayenmestry (19 septembre 1981). De plus, il s’est rendu à trois reprises (17 janvier 1979, 15-16 octobre 1980 et 24 mars-4 avril 1982) devant le comité « ad hoc hoc » de l’OUA, Organisation de l’Unité Africaine qui été chargé du dossier de la décolonisation de l’île, basé à Dar-es-Salam, en Tanzanie, pour affirmer sa position en faveur de l’indépendance de la Réunion. Il s’est même présenté en tant que candidat aux élections cantonales à Bras-Panon en mars 1982. Il a participé au nom de son organisation le MIR (mouvement pour l’indépendance de la Réunion) à la conférence internationale des dernières colonies française en Guadeloupe qui regroupa douze organisations le 5, 6, 7 avril 1985. Par ailleurs, il a bénéficié du soutien du colonel Mohammad Kadhafi dans le cadre de son engagement pour l’indépendance de la Réunion en rencontrant plusieurs fois ses conseillers aux Seychelles en mars 1987. Aussi, il a même voyagé trois fois en Libye, en 1985 et 1986, et avant un séjour à Tripoli en mars 1987 où il rencontra le leader Libyen. Artiste engagé, il fonde « Cimendef », un groupe de maloya traditionnel portant le nom d’un esclavagé légendaire fugitif de la Réunion. Au sein de ce groupe de musiciens, il se lança dans l’artisanat et dans la création d’instruments de musique traditionnels en animant des stages et des séances d’initiation à la musique dans des établissements scolaires. Le 11 juin 2008, Il perd la vie dans sa ville natale.

Jean-Baptiste Ponama :

Né le 15 octobre 1923 à Saint-André, Jean-Baptiste Ponama était militaire, libraire, professeur et un militant indépendantiste qui a marqué l’histoire politique de la Réunion. Homme de culture, il a été professeur dans plusieurs établissements à la Réunion et en France (1961) de son plein gré, car il a été victime de l’ordonnance Debré (15 octobre 1960), un projet de loi qui avait pour objectif « d’expulser les fonctionnaires des outre-mer ayant un comportement de nature à troubler l’ordre public vers la France ». Après son retour à la réunion, le 5 mars 1963, il ouvre une librairie avec d’autres camarades, nommée “La Frégate” à Saint-Denis qui représentait à la fois un établissement dédié à la vente d’ouvrages, mais aussi un lieu intellectuelle et militante vouée aux activités du Parti communiste, la Fédération des Œuvres Laïques (FOL) et la CGT Réunion. Homme de conviction, il entre en politique en publiant un article provocateur intitulé “L’indépendance de la Réunion, mythe ou réalité ?” (juillet 1957) publié dans le journal du Syndicat National des Instituteurs (SNI). En 1962, il adhère au Parti communiste Réunionnais en participant à des élections politiques. Au sein du parti, il occupe diverses fonctions telles que secrétaire adjoint et porte-parole en participant à plusieurs congrès et diverses négociations à l’étranger. Le 21 mars 1978, il est exclu du parti suite à ses positions liées aux dérives du parti. Ensuite, le 19 septembre 1981, il devient co-cofondateur du MIR (mouvement pour l’indépendance de la Réunion) aux côtés de Serge Sinamalé et Tristan Souprayenmestry. Sous l’étiquette du MIR, il se présente à plusieurs élections (1982 et 1993). Il est aussi l’un des collaborateurs du média Afrik Lib, un mensuel de sensibilité tiers-mondiste et anti-impérialiste crée en 1983 par son camarade Tristan Souprayenmestry. Homme d’action, il fonda la Fédération des Œuvres Laïques (FOL) avec d’autres camarades dont il sera le trésorier en 1949. Il a été l’un des dirigeants actifs du Syndicat National des Instituteurs (SNI). Il était aussi membre élu à la commission administrative paritaire départementale des enseignants. Fondateur du Syndicat des Locataires et administrateur de la Caisse d’Allocations Familiales (1975-1980). Homme engagé, actif dans plusieurs combats, il dénonça l’injustice au niveau national comme internationale dans le cadre de ses activités intellectuelles, syndicales et militantes. Le 2 juillet 1993, il perdit la vie à Saint-Denis.

Pour terminer, l’histoire démontre que des hommes et des femmes n’ont jamais accepté la domination et l’oppression du système coloniale et impérialisme à la Réunion, c’est pourquoi notre combat pour l’émancipation de notre pays doit s’inscrire dans la continuité de ses ancêtres méritants et ces figures héroïques qui ont marqué l’histoire de la Réunion afin de prendre en main notre propre destin car comme stipuler Serge Sinamalé :

« Nous ne sommes pas Français ; nous sommes Réunionnais et nous voulons agir, penser et vivre en Réunionnais. »

Un seul peuple, une seule nation car nous sommes réunionnais !!!

KA UBUNTU.
Source :

*Société de plantation, histoire et mémoire de l’esclavage à la Réunion.
*Jérôme l’archiviste – Extrait de l’ouvrage Célébrités de la Réunion paru en 2009, basé sur plus de 50 000 documents et archives retraçant quarante années de la vie réunionnaise.

KA UBUNTU

mouvement politique indépendantiste et panafricaniste fondé par des réunionnais.

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